Philippe Lejeune, representant eminent de l'etude de la forme autobiographique, considere de facon traditionnelle l'autobiographie comme un genre litteraire distinct de la fiction et en propose une definition formelle. Il a avoue, concernant sa theorie de l'autobiographie de 1975, qu'il avait donne de celle-ci une definition un peu abrupte, qui n'avait pas suffisamment pris en compte l'evolution de la production litteraire. Puisque l'identification onomastique, qu'il avait en effet consideree comme le point le plus important pour le pacte autobiographique, ne semblait plus pouvoir e? tre le seul critere pour justifier l'ecriture autobiographique. Quelques reflexions theoriques, par exemple l'”autoportrait litteraire” de Michel Beaujour, l'”autofiction” de Serge Doubrovsky, et la “nouvelle autobiographie” d'Alain Robbe-Grillet, sont donc consacrees a etudier profondement le genre de l'ecriture autobiographique. Michel Beaujour a approfondi sa theorie de l'autoportrait litteraire en soulignant que le cas des Essais de Montaigne qui avaient ete exclus du corpus autobiographique de Philippe Lejeune etait en fait exemplaire de la litterature autobiographique francaise. Il suggere toujours la representation du “moi” tel qu'il se reflete dans le present ou il ecrit. C'est-a-dire, a la question “qui suis-je?”, a laquelle se ramene toujours essentiellement l'ecriture autobiographique, l'autoportrait repond par “je ne vous raconterai pas ce que j'ai fait, mais je vais vous dire qui je suis”, tandis que l'autobiographie repond en decrivant “comment je le suis devenu”. De surcroi?t, l'autoportrait ne necessite pas un recit suivi, mais des “thematiques” qui assemblent et bricolent les elements sont au premier plan. Les lieux - la maison, la ville, ou me?me l'utopie, etc - sont egalement des tresors pour l'invention et des supports pour la memoire dans l'autoportrait. Les caracteristiques de l'autoportrait, dont la peinture requiert necessairement memoire et imagination, se revelent ainsi transhistoriques ou anachroniques: des lieux pluto?t que du temps. L'apparition de l'autofiction a pour origine un tableau de Philippe Lejeune, tableau dans lequel il distinguait les genres autobiographiques et romanesques gra?ce a la distinction onomastique. Il comportait deux cases aveugles. Serge Doubrovsky, romancier et critique, s'interroge sur une des cases aveugles et releve le defi. Apres avoir publie un roman, il confirma dans un texte d'autocritique qu'il correspondait parfaitement a une coi?ncidence des trois - le nom de l'auteur- narrateur-heros -. La question pourrait se borner ici aux oeuvres qui se presentent a la fois comme des romans et comme des fragments d'autobiographie, mais qui sont plubliees en tant que romans. Le roman autobiographique etait tombe partiquement en desuetude dans le domaine theorique depuis l'apparition de la denomination “espace autobiographique”, due a Philippe Lejeune, et a celle d'autofiction. Le roman autobiographique, fonde sur une double caracterisation, qui rendra toujours fragile sa situation dans le systeme generique, pourrait de toute facon jouer son propre ro?le dans l'ecriture autobiographique. Le probleme de la representation dans le roman d'apers-guerre, souleve par les Nouveaux Romanciers, resulte du mepris chez eux de l'illusion referentielle dans l'autobiographie. Alain Robbe-Grillet definit donc d'emblee comme un des elements essentiels de la nouvelle autobiographie le refus de sincerite et le declare en 1985. Si le genre autobiographique est traditionnellement considere comme non-fictionnel, il n'est pas exempt de divers elements fictionnels. Les autobiographies des Nouveaux Romanciers introduisent des elements fictionnels, se distanciant par la de l'ancien critere de verification, car ils pensent que ce critere n'assure pas une meilleure connaissance de la vie de l'auteur. Ainsi, en tant qu'autobiographes, ils imaginent le reel a l'aide d'elements fictionnels. Leurs oeuvres anterieures et romanesques font donc parite integrante de leur autobiographie et sont me?lees au recit de leur vie. L'abandon d'une separation stricte entre les genres donne lieu a des structures mixtes qui constituent un nouveau canon litteraire.