Le gout de la peinture, chez Paul Velraine, est acquis d'abord par une sorte de 'plaisir de voir' depuis son enfance. Cela n'aboutit pas a un metier, faute d'apprentissage soutenu, alors qu'il se contente de tenter par loisir des dessins ou croquis, tout au plus pour son plaisir. Cependant, des sa jeunesse ou il choisit definitivement la poesie, la peinture est pour lui une des sources majeures d'inspiration artistique, autant que la musique. Frequentes alors sont ses visites de musees et de galeries, mais aussi ses lectures de critiques et de gazettes concernant les Beaux-Arts : ce n'est pas autre chose que la suite de son penchant pour l'art pictural. Ceci l'emmene a se livrer enfin a contempler les paysages, avec le regard d'un peintre. Or, il ne dessine pas avec un pinceau, mais avec une plume. Ses talents s'affirment a travers des pieces comme Croquis parisien, Marine, Effet de Nuit dans ses ≪Poemes saturniens≫, publie en 1866. Tandis que les expressions picturales n'abondent pas dedans, elles parsement ses quelques ouvrages ulterieurs. Ses activites se distinguent par rapport a l'epoque de la deuxieme moitie du XIXe siecle ou le gout de l'art rococo commence a renaitre chez des aristocrates et grands bourgeois, et ou ses predecesseurs comme Theophile Gautier, Theodore de Banville, Victor Hugo ecrivent des poemes sur le meme sujet. Une fois tente de cet air du temps, Verlaine, connaisseur des tableaux anciens, acheve, par la publication de ses ≪Fetes galantes≫ en 1869, de reconstruire un univers rococo, represente par Watteau entre autres. Et, d'ailleurs, lorsque les annees 1870 sont marquees en France par le mouvement impressionniste mene par les jeunes peintres refusant l'academisme, ce courant moderne finit a terme par se faire valoriser. Verlaine n'y reste pas etranger : lui, connaisseur de l'impressionnisme, y correspond cette fois-ci par la publication de ses ≪Romances sans paroles≫ en 1874. L'examen chronologique de quelques documents nous permet de dire que le monde verlainien de style rococo s'inspire soit des tableaux exposes a la galerie Martinet en 1860, soit des ouvrages faits par Charles Blanc ou les freres Goncourt sur la peinture du XIIIe siecle. Toutefois, il s'avere que son monde de style impressionniste est module ainsi par ses propres reflexions. Dans certains ecrits, Verlaine parle d'une facon sous-jacente du principe de sa poesie base sur l'emploi de “la sensation rendue”, qui sera appelee plus tard “l'impression”, terme officiel dans les arts. Et, dans sa pratique meme, il s'amuse tantot a dresser des nuances imprecises, evitant les couleurs claires et vives des objets, tantot a dessiner immediatement les sensations rendues, utilisant des notations d'impressions au lieu des descriptions detaillees qui trop tot lassent les lecteurs. Tout cela precede la premiere exposition des Impressionnistes. Mais il n'est pas aise de definir ce qui est une poesie coherente verlainienne dans la mesure ou il possede en lui un double gout, c'est-a-dire le gout de l'art ancien et celui de l'art moderne, qui ne semblent pas du tout contradictoires chez lui. Il convient de presumer alors que ceci est du a son esprit d'auteur, toujours soucieux de rester independant. Bref, son attitude, vague au premier coup d'oeil, mais qui est a la fois elastique et severe envers lui-meme, lui permet d'une part l'exploration d'une large source d'inspiration sans prejuges, et, de l'autre, la decouverte d'une poesie nouvelle, dite “poesie impressionniste”, issue de la poesie baudelairienne remodelee.