Plusieurs motifs dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain peuvent être considérés comme ceux qui constituent en général les contes de fées : la mère décédée en bas âge de l'héroïne, sa vie solitaire et difficile, ses actes de bonté pour des personnages de son entourage, son père dans une relation oedipienne, la rencontre avec un prince charmant surtout par l'intermédiaire de quelque chose, ses fuites répétées à chaque moment de leur rencontre, le héros étant à la recherche de l'héroïne et enfin un heureux mariage. Il se peut alors que dans la perspective narrative, l'histoire de ce film ressemble manifestement à celle du conte de fées, surtout de Cendrillon.
L'analyse des personnages à travers l'identification d'Amélie à l'eau et la fonction symbolique de ses ricochets echafaude, au plan psychanalytique nous semble-t-il, une métamorphose de la narration du conte de fées : signification euphorique de l'eau courante et dysphorique de l'eau dormante. Et les relations des personnages autour de l'héroïne de ce point de vue révèlent divers états d'aliénation atroces à l'époque moderne.
Il est vrai qu'au plan de la structure narrative l'introduction et la clausule du récit filmique s'inscrivent si détaillées et si descriptives qu'une certaine réalité de l'histoire se met au point : elles ne montrent pas en apparence la fonction de celles d'un conte de fées. L'aspect ironique de ces parties, analysé du point de vue discursif, explique cependant une fonction d'ancrage, pareille à celle d'une introduction du conte de fées, formule du genre : “Il était une fois….”
Dans le cadre de la structure narrative ainsi supposée, se compare en détail la narratologie du film avec celle de Cendrillon. Cela nous dévoile des éléments métamorphiques dans le film, ainsi que la relation oedipienne entre Amélie et son père, la raison de la mort prématurée de sa mère, Duphaïel et Jina comme fée ou mère- marraine, Nino comme prince. Et pour exprimer cela sont utilisées diverses techniques narratives et cinématographiques, des effects spéciaux et de distanciation entre autres.
Enfin c'est dans le cadre de la construction thématique de ce film que la structure narrative de deux genres s'avère identique. L'analyse psychanalitique de l'héroïne, appuyée sur celle de Cendrillon, interprète ses fuites comme une ambivalence d'une jeune fille entre Id et Ego au sens freudien du terme, vis-à-vis de la masculinité d'un côté, et en rapport avec la relation oedipienne de l'autre côté. C'est ici où s'interprète comme la fameuse pantoufle de verre ‘l'album de famille’, non seulement parce que Nino retrouve Amélie grâce à cet album, mais aussi parce qu'Amélie y présente d'avance sa sexualité féminine : une photo de nombril comme sa trace.
Et Nino deviendra un héros dans un conte de fées, déguisé en quelqu'un de drôle, parce que des photos d'identité ratées, déchirées et jetées dans la rue symbolisent de façon discrète des personalités en état d'aliénation. C'est pour cette raison que son acte de faire un ‘album de famille’ avec ces photos le rend héroïque, dans la modernité d'une grande ville comme Paris, où se répandent la solitude et l'incommunicabilité.
L'aliénation ou le déconstructivisme lié à la société moderne s'installe déjà au plan philosophique ou sociologique comme un thème très banal et très répandu, donc rien de nouveau. Ce film ne présente donc pas les états de ce thème en tant que tel, mais comment les surmonter avec la réconciliation humanitaire et surtout l'amour, dont la valeur familiale est primordiale. Il ne faut cependant pas oublier que tout cela se fonde sur le mérite cinématographique de ce film : fantaisie, rêverie et imagination enfantines, exprimées en profondeur par des techniques filmiques, et consituées de la narratologie du conte de fées, surtout de Cendrillon.