Le Nuage rouge de Mondrian suggere fortement la poetique d'Yves Bonnefoy. Mais, il y avait d'autres artistes qu'a aimes le surrealisme et qui attiraient le jeune Bonnefoy. Par la lecture de la Petite Anthologie du surrealisme de Georges Hugnet, Yves Bonnefoy a decouvert les poemes de Breton et d'Eluard, les ecrits de Tzara aux temps dadaistes, et surtout les oeuvres de Chirico, de Giacometti et de Max Ernst, entre autres. Il a connu egalement Ucello, par l'intermediaire de ses amis surrealistes. Bonnefoy a ete frappe par l'emploi outre, abstrait, de la perspective chez Ucello, par exemple, dans La bataille de San Romano, et a trouve que Chirico lui parlait d'un ailleurs, “en batissant a grands traits, comme un decor de theatre, ses colonnades, ses places” dans ce celebre tableau, Mystere et melancolie d'une rue. En fait il etait flatte dans ses tendances gnostiques, sans oublier pour autant une beaute simple qui lui apparut sous le signe d'un autre monde. Il a vite tourne le dos a ce courant d'art et de litterature, car il s'imaginait que le surrealisme etait le contraire d'un occultisme et qu'il revelait les richesses du monde sous les sens, sans croire a des puissances cachees. Il a ainsi quitte Andre Breton quand lui et ses amis se preparaient, pour leur exposition prochaine, a dresser un autel a Leonie Aubois d'Ashby, personnage de Rimbaud, en se passionnant pour la magie. Le premier recueil de Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilite de Douve nous temoigne de sa propre pratique de l'ecriture:gout pour le simple de la chose et du monde, c'est-a-dire pour la poetique de la presence. Il a reve a un autre monde ou ne dominent plus les paysages imaginaires de l'irreel. ‘Douve’ qui vit dans ce monde n'est pas seulement figure humaine, mais represente tout ce qui ‘est’ sur la terre, et cette terre meme - vent, pierre, salamandre, fleuve, lande et ravin....On n'y voit rien de mystique, ni de gnostique, mais ce qu'il y a de simple et de transparent dans son evidence d'etre. Bonnefoy a detruit la maison du concept des mots, la beaute de la forme, et a voulu achever sur ces ruines le projet d'appeler les choses dans leurs vrais noms:il lui faudrait susciter l'impression de la presence de la chose. Mais est-ce possible? Y a-t-il la vrai image pour les choses penetrees par le langage? De la, Bonnefoy nous parle de l'epiphanie, autrement dit, l'apparition du dieu, dans les choses et sur le lieu:“Que je dise ‘le feu’ et, poetiquement, ce que le mot evoque pour moi, ce n'est pas seulement le feu dans sa nature de feu - ce que, du feu, peut proposer son concept:c'est la presence du feu, dans l'horizon de ma vie, et non certes comme un objet, analysable et utilisable(et, par consequent, fini et remplacable), mais un dieu, actif, doue de pouvoirs.” Par la declaration que l'epiphanie du dieu est le simple, il cherche dans Ce qui fut sans lumiere, le pays de l'intemporel qui refuse l'ecriture, en sachant rien de la mort, au-dela de l'horizon de la finitude. Le Nuage rouge est la, “ou “l'arriere-pays, s'etant dissipe, se reforme, ou l'ici vacant cristallise”. Comme le silence de l'instant de la foudre, c'est la fin de la parole et l'aspect de la poesie a venir.