Cette etude a pour objectif de revoir, d'un point de vue cognitif, les theses mises sur la relation entre parole et musique dans les oeuvres vocales. Pour ce faire, nous analysons “Sainte”, poeme de Mallarme, et l'interpretation musicale que Ravel a faite sur ces vers. La mise en musique d'un poeme est interessante d'un double point de vue. Premierement, elle permet d'examiner de plus pres les rapports entre parole et musique. Deuxiement, nous pouvons envisager de verifier si les traits formels et semantico-cognitifs du poeme sont percus ou non par le musicien et comment ils sont traduits dans le systme musical. Dans ce cadre, le travail se divise en trois parties. Dans la premiere partie, nous passons en revue les trois theses principales emises sur la relation entre parole et musique dans les oeuvres vocales. Ces theses s'affrontent sur ce sujet, chacune reagissant contre la precedente. La premiere de ces theses est celle de l'homologie, assez courante et la plus ancienne. Selon elle, l'oeuvre vocale nous offrirait un double visage, la parole et la musique rendant manifeste, chacune dans son systeme specifique, une seule et meme realite. La seconde these, proposee par Schloezer, est celle de l'assimilation d'un syteme par l'autre, et precisement de la parole par la musique. En effet, il y a incompatibilite et opposition profonde entre la musique et la langue. La troisieme, soutenue par Ruwet, est celle dite dialectique des rapports entre parole et musique. Dans la seconde partie, nous analysons “Sainte”, poeme de Mallarme, en essayant de relever les divergences entre la version publiee du poeme et son manuscrit. Ensuite, nous montrons que, par rapport au manuscrit, le caractere evocateur de la version finale est accentue a l'aide de deux procedes: l'omission des elements descriptifs et le renforcement des rapports d'equivalence. Dans la troisieme et derniere partie, notre analyse porte sur la musique de Ravel, en examinant s'il existe des rapports d'equivalence, tant formels que semantiques, entre le poeme et la musique. Dans cet examen, nous affirmons que sa composition reprend les caractristiques les plus evidentes du poeme pour les traduire musicalement par des niveaux rythmico-melodiques du chant et de l'accompagnement auxquels s'ajoutent des indications du musicien. Le fait le plus frappant pour ce qui concerne l'equivalence entre texte et musique, est la maniere dont la musique traduit la bipartition du poeme en opposition entre le matriel et le spirituel, ceci en mutipliant son evocation dans un sens plus ample. Cette bipartition conduit la transition de l'image de la sainte liturgique, ou du vitrail, celle imaginaire de la musicienne du silence. Ces traits poetiques sont, sans y etre assimiles contrairement a l'idee de Boris de Schloezer, transposes dans le systeme musical. Cette constatation nous permet de reactiver l'homologie entre texte et musique, le precepte le plus ancien, rejete tant par Schloezer que par Ruwet. Mais il faudra comprendre l'homologie, cette fois, au sens plus large de la conception cognitive, c'est-a-dire recourant a l'evocation infinie mais laissant a l'individu une marge de libert puisque la poesie et la musique sont des representations symboliques individuellement creatrices.